Zef

Une rencontre qui m’a marquée. C’était l’été 2011.

Les auberges de jeunesse à Londres sont cool pour ça. Je ne me souviens plus exactement du moment où je l’ai rencontré. Je me rappelle juste qu’il parlait à tout le monde, qu’un jour j’avais acheté une trop grande pizza et qu’il était super content que je partage. À partir de ce moment-là, il connaissait mon nom et je connaissais le sien.

Il devait avoir une dizaine d’année de plus que moi. Un noir costaud de Harlem. Il avait été dans la marine, avait étudié la littérature à l’université et venait à Londres pour lancer sa carrière d’écrivain. Beaucoup d’ambition et un sens de la beauté qui avait de quoi émouvoir. On allait marcher des fois, philosopher un brin et avec ses antécédents de professeur d’anglais (Oui, il avait aussi fait ça), il me corrigeait quand je disais “buzzy” au lieu de “bisy” pour dire que l’endroit où je travaillais était très occupé.

Donc j’avais cet emploi comme bartender dans un bar-club-lounge de Londres et il y a une fois où je me préparais dans les grandes salles de bains mixtes avec de grands miroirs. Il m’avait vue toute maquillée et ça l’avait ébranlé, parce que les autres fois je n’en mettais pas du tout. Il m’avait regardée comme si j’étais une petite fille qui avait emprunté le maquillage de sa mère.

“You don’t need all this”

Mais je sentais la pression d’être belle pour faire la job que je faisais. J’avais pas de pourboire (Vive l’Angleterre), mais c’était pour moi une obligation si je voulais fitter. Fitter, c’est trop important pour se confirmer à soi-même qu’on est au bon endroit et qu’on fait la bonne chose.

Il m’avait fait lire des trucs qu’il écrivait dont je ne comprenais pas tous les mots. C’était empreint de poésie sans en être. Je lui avais expliqué que je tenais un blogue de voyage, que c’était naïf, sans flafla et où je parlais plus de la vie quotidienne que des musées que j’allais voir. Je le sentais profondément déçu de ne pas pouvoir lire le français. Il trouvait impensable de traduire ça sur Google, où ça perdrait toute sa richesse, mais il m’a encouragée à continuer à écrire. Il savait que j’aimais ça.

Un jour j’ai déménagé dans un appartement de Londres et je ne trouvais pas Zef lors de mon départ, lui qui était presque toujours dans le hall. Je suis partie en disant bye à la Juliette française qui fumait à l’accueil, que Zef m’avait présentée.

On avait continué à s’écrire sur Facebook.
Quand j’ai vécu des expériences difficiles, il m’avait envoyé le vidéoclip de “You’re only human” de Billy Joel. Ça m’avait fait rire, dans toute l’anxiété que je vivais.

J’ai entendu cette chanson hier à la radio et ça m’a ramené là-bas.

Un soir, j’ignore s’il était ivre ou juste euphorique, mais il m’avait fait une déclaration d’amour et je lui avais avoué que ce n’était pas réciproque. Sur le coup ça ne le dérangeait pas, puis le lendemain, il m’avait écrit, tout honteux.

“I’ll be sorry forever”

On n’était plus amis facebook.
Mais c’était une belle histoire malgré tout.

La valeur d’un voyage, ce sont les gens qu’on rencontre, qu’ils disent?

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